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  • labarricadejournal

Récit d’une manifestation sous un État autoritaire


Samedi matin, le 21 novembre 2020, j’arrive à la manifestation. Une manifestation se bat contre une nouvelle loi liberticide, encore une. Depuis quelques années et surtout depuis 2 ans, l’État est devenu autoritaire et emprunte une pente dangereuse, celle du totalitarisme.


La manifestation est calme, l’appel vient de syndicats et d’associations défendant nos libertés, enfin le peu qu’il reste. On arrive devant la préfecture. Des gendarmes mobiles bouchent les rues, pour être sûrs que la manifestation ne devienne pas sauvage, utile quoi. Prises de parole, des slogans sont lancés, la fanfare joue : en bref un rassemblement joyeux et festif.



L’autre manifestation débute à 14h, celle-là n’est pas autorisée bien qu’elle s’annonce plus virulente, plus tendue que celle du matin. Mais le nombre de manifestantes et manifestants est là, beaucoup sont calmes, mais d’autres savent que le pacifisme ne mène à rien.

14h, ça y’est, c’est l’heure. Je me dirige vers la place centrale de ma ville, où le rendez-vous a été donné. En arrivant, je suis surpris de voir autant de policiers habillés en tenue anti-émeute, ils tournent sur la place, se positionnent, eux et leurs camions, aux endroits stratégiques. Empêchant tout rassemblement. C’est donc ça la prétendue démocratie ?


Je continue ma balade sur la place, où un groupe de policier m’arrête par un : « Bonjour, contrôle d’identité, vos papiers s’il vous plaît. » À ce moment-là, le policier initiant le contrôle me demande si je suis connu des services de police, ce qui n’est pas le cas. Ils contrôlent ma carte d’identité, mon attestation de sortie, me demandent ce que je fais sur cette place, le tout leur caméra frontale braquée sur moi. Je rétorque que je dois aller dans un magasin, acheter, consommer. Ils me laissent partir. Je me dirige vers ce magasin.

Sur le chemin je croise deux militantes aperçues le matin, on discute, elles m’indiquent que le rassemblement s’est fait nasser dans une petite rue à l’écart, derrière un parc. Je décide d’aller voir. J’esquive discrètement les policiers sillonnant le parc et je tombe sur un autre groupe de militantes. On discute ensemble, on tente de rejoindre la place pour voir si le rassemblement peut se faire.



Il est déjà 14h30, et sur la place, plus de patrouilles que de contestataires, bien plus. On approche de la place, sur le chemin, à ma droite, je vois un policier se rapprocher de nous. J’accélère le pas, heureusement cette fois-ci pas de contrôle pour moi, mais les autres manifestantes qui étaient avec moi n’ont pas eu cette chance. Je regagne la place, dégouté.

Là, un cordon de gendarmes mobiles coupe la place en deux, je passe entre eux l’air normal, comme n’importe quel badaud. Autour de moi, n’importe quel regroupement de 4 personnes se fait contrôler, avec à la clé 135€ d’amende. Je préfère ne pas m’attarder ici trop longtemps.

Je me dirige vers l’arrêt de tram où je croise des journalistes que je connais. Quelques journalistes tentent de prendre des photos, mais la peur d’un contrôle se lit sur leurs visages. La plupart savent que leur carte de presse ne changera rien à cela.

Je fais une dernière halte près d’un magasin, discutant avec quelques militants et militantes. J’apprends que l’un d’entre eux a reçu 135€ d’amende, un autre s'est fait intimider par un policier pour des manifestations datant de 2016. Des faits s’étant déroulés 4 ans plus tôt lui sont reprochés lors d’un contrôle d’identité, alors qu’il n’y avait aucun lien avec ledit contrôle.


Ce pays dérive vraiment vers une pente dangereuse, s’il ne l'a pas déjà bien entamée. Je repars chez moi, sur le retour j’aperçois encore des manifestantes et manifestants se faisant contrôler.



Ceci est le récit d’une manifestation étouffée dans l'œuf à cause de la répression policière. Les forces étatiques ont fait la meilleure et la plus violente (démocratiquement parlant) répression possible. Celle où la police contrôle tout ce qui bouge, verbalisant à tout va, empêchant la manifestation non par le matraquage habituel, mais par la peur. En instaurant la peur, en faisant une démonstration de sa force répressive, en muselant toute liberté de manifester, en faisant disparaître discrètement une manifestation. L’État a réussi à réduire au silence une manifestation, comme s’il n’y avait aucune contestation plus virulente que celle encadrée par les syndicats et associations. Comme s’il n’y avait aucune volonté de vouloir changer les choses.



Cette manifestation, comme on aurait pu l’imaginer, ne s’est pas passée dans un pays étranger en proie à un dangereux dictateur. Non non...


Elle s’est passée le 21 novembre 2020 à Montpellier, en France.


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